Succession : quel compte bancaire n’est pas inclus ?

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Un compte bancaire verrouillé derrière une vitre, des héritiers frustrés, un sourire en coin du conseiller : parfois, la succession prend des airs de théâtre d’ombre. Les chiffres sur l’écran restent inertes, les souvenirs flottent et soudain, une phrase souffle le doute : « Tous les comptes ne sont pas concernés par la succession… ». Derrière cette porte close, des familles entières cherchent la clé, entre malentendus et pièges du droit.

Comment un livret d’épargne, si banal, peut-il disparaître du partage familial ? Entre textes obscurs et astuces bancaires, certains comptes semblent s’évaporer au moment précis où chacun pensait solder l’héritage. Oublier un compte, c’est parfois laisser dormir une petite fortune, ou rallumer des rivalités qu’on croyait éteintes.

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Comptes bancaires et succession : ce que dit la loi

Au décès d’un proche, la question du compte bancaire s’impose sans détour. Le code civil encadre strictement le devenir des comptes bancaires du défunt. Dès que la banque reçoit l’acte de décès, elle bloque instantanément les comptes individuels : tout s’arrête, plus aucun mouvement possible, pour protéger les droits des héritiers et éviter toute tentative de retrait intempestif.

Le notaire prend alors le relais pour orchestrer le règlement de la succession. Il interroge la banque, dresse la liste complète des comptes, puis vérifie s’il existe un testament ou un acte de notoriété, sésame indispensable pour établir qui a droit à quoi. Les relevés bancaires deviennent alors les pièces maîtresses de la déclaration de succession.

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  • Le blocage des comptes vise uniquement ceux ouverts au nom du défunt seul, qu’ils soient individuels ou indivis.
  • Le paiement des droits de succession se fait souvent en puisant dans ces fonds, avant que quiconque ne touche sa part.

Une fois les formalités accomplies, la banque libère les sommes selon les consignes du notaire ou sur présentation de l’acte de notoriété. Si le dossier s’enlise, un avocat peut s’inviter dans la danse. Ce cadre légal, rigide mais nécessaire, vise à garantir une transmission loyale du patrimoine, et à éviter que l’héritage ne se volatilise dans la confusion ou la précipitation.

Quels comptes sont automatiquement bloqués au décès ?

Dès que la banque reçoit le courrier recommandé attestant du décès, elle enclenche sans tarder le blocage des comptes bancaires du défunt. Ce gel concerne d’abord les comptes individuels et les comptes indivis : impossible d’y toucher, tout mouvement est interdit jusqu’à nouvel ordre. La main passe alors au notaire et aux héritiers identifiés.

  • Le compte individuel, ouvert au seul nom du défunt, est gelé sur-le-champ, sans échappatoire.
  • Le compte indivis – souvent utilisé pour gérer un bien commun, comme un appartement familial – subit le même sort : tous les co-titulaires doivent patienter jusqu’au feu vert du notaire.

Les comptes bancaires concernés par le décès restent donc verrouillés tant que les héritiers n’ont pas présenté les justificatifs officiels (acte de notoriété, acte de décès). Cette règle vaut pour toutes les banques, sans exception, conformément au code monétaire et financier.

Le solde disponible sert d’abord à régler les frais d’obsèques ou à solder les dettes les plus urgentes. Après quoi, la restitution aux héritiers s’effectue, sur décision du notaire ou de la banque, une fois les droits de chacun vérifiés. Ce blocage automatique agit comme un garde-fou : il préserve l’équilibre entre les différents ayants droit, et évite les dérapages de dernière minute.

Le cas particulier du compte joint : une exception à connaître

La disparition d’un cotitulaire ne signifie pas pour autant blocage du compte joint. À la différence des comptes individuels, le compte joint continue de fonctionner : le conjoint survivant, ou tout autre cotitulaire, conserve l’accès total aux sommes, à moins qu’une clause spécifique ou une opposition ne vienne tout suspendre.

Cette exception s’explique par la nature même du compte joint : chaque titulaire est réputé posséder l’intégralité des fonds, peu importe qui les a versés. Mais attention, cette liberté n’est pas absolue : les héritiers ont la possibilité de demander le partage des avoirs selon la part réellement détenue par le défunt. Quant à la banque, elle reste muette sur les détails, tant qu’elle ne reçoit pas l’acte de décès ou l’acte de notoriété.

  • En cas de litige, le notaire peut exiger que le compte soit gelé, le temps de trancher la répartition des fonds.
  • Certains établissements précisent « compte joint, fonctionnement avec survivant » sur les relevés : le cotitulaire restant peut alors continuer à faire vivre le compte.

Le fonctionnement du compte joint ne prive pas les héritiers de leur part : la part du défunt est évaluée lors du règlement de la succession. Vigilance indispensable : toute opération jugée douteuse après le décès peut être contestée par les autres héritiers.

compte bancaire

Comprendre les situations où un compte bancaire échappe à la succession

Certains placements ou produits bancaires échappent à la mécanique classique de la succession bancaire. L’exemple le plus parlant : l’assurance-vie. Souvent confondue avec un compte d’épargne, elle suit un parcours à part. Le capital, au décès, rejoint directement le ou les bénéficiaires désignés, sans passer par la case héritage. Sa fiscalité, elle aussi, se distingue nettement des droits de succession classiques.

Autre situation : le prêt bancaire. Lorsqu’un co-emprunteur ou une assurance emprunteur sont en jeu, le compte lié au crédit ne transite pas par la succession. L’assurance règle le capital restant dû, épargnant ainsi aux héritiers la charge d’une dette soudaine.

  • Les sommes issues d’une assurance emprunteur ne réapparaissent jamais dans la succession : elles servent exclusivement à solder le prêt.
  • Le capital décès versé par certains contrats d’assurance reste hors de portée des héritiers, tant qu’un bénéficiaire distinct a été désigné.

Certains contrats bancaires comportent aussi des clauses d’exclusion de la succession, mais cela suppose l’accord de la banque et un strict respect du code civil. Le rôle du notaire : passer au crible chaque compte, identifier son régime, déminer les conflits potentiels entre héritiers et bénéficiaires. Un inventaire précis qui, parfois, révèle d’étonnantes disparitions… ou des surprises bienvenues.

Dans le grand jeu de la succession, tous les comptes ne sont pas sur la table. Certains restent dans l’ombre, d’autres s’échappent par une porte dérobée. La vigilance, ici, fait toute la différence : repérer ces comptes, c’est éviter que la dernière scène ne se joue sans spectateur.